« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande des misères… » Blaise Pascal (1623-1662) n’était pas très optimiste sur la valeur du divertissement pour un chrétien ! Et c’est vrai que si nous explorons le sens du mot « divertissement », nous trouvons l’idée de « nous détourner » de quelque chose, souvent d’une part de notre vie qui nous est difficile à supporter. Le danger, c’est que cela nous détourne aussi de notre vocation !
Et pourtant…
Et pourtant… Saint Thomas d’Aquin (1224-1274), dit qu’en matière de jeu, on peut pécher de deux manières…
- Soit parce qu’on joue trop… Dans ce cas-là le jeu prend le pas sur toute autre activité de notre vie, et nous oublions ce pourquoi nous sommes faits (nous sommes faits pour le ciel). Nous ne voyons plus le bien à faire, nous ne sommes plus à notre place dans la société. Lorsque nous en sommes-là, c’est souvent que nous essayons d’oublier les difficultés de notre vie. Mais, en nous noyant dans le jeu et le divertissement nous refusons de vivre la vie qui nous a été donnée par Dieu.
- Soit parce qu’on ne joue pas assez ! Et oui ! (Qui a dit que les saints et les théologiens étaient rabat-joie ?) Ici, je cite saint Thomas d’Aquin :
« Il est contraire à la raison d’être un poids pour les autres, lorsque, par exemple, on n’offre rien de plaisant, et qu’on empêche les autres de se réjouir. (…) Ceux qui refusent le jeu, ne disent jamais de drôleries et rebutent ceux qui en disent, parce qu’ils n’acceptent pas les jeux modérés des autres, ceux-là sont vicieux, et on les appelle avec Aristote pénibles et mal élevés ». (Somme de théologie, II-II, Q. 168 a. 4)
Saint François de Sales (1567-1622) ne dira pas autre chose dans son Introduction à la vie dévote.
Attention : vous allez apprendre un nouveau mot ! La vertu de celui qui sait bien se détendre s’appelle : l’eutrapélie.
Pourquoi est-ce que je veux me divertir/ me détendre/ jouer/ m’amuser ?
C’est la question qu’il faut se poser. Le jeu, le divertissement, l’amusement, est du même ordre que le repos. Il doit me permettre la vie équilibrée dont j’ai besoin pour bien accomplir mes activités, mon devoir et le bien autour de moi. Il ne peut donc être mon unique occupation (comme le repos) !
En revanche, si ce jeu ou ce divertissement est l’occasion de grandir dans l’amour des autres en partageant un moment convivial, alors, il est très louable !
Comment est-ce que je me divertis ?
Le divertissement est soumis aux mêmes règles que le reste de mes activités : il ne peut user de moyens mauvais. Se divertir au dépend des autres, comme les romains le faisaient dans les jeux du cirque par exemple, est mauvais. Utiliser de l’argent qui peut servir à nourrir ma famille ou des plus pauvres, pour jouer, n’est pas bon non plus…
Jésus s’est-il diverti ?
Sans doute, pas au sens étymologique du mot divertir, parce que Jésus ne s’est pas détourné un seul instant de sa mission. On ne voit pas non plus Jésus jouer dans l’Évangile. Les seuls « amusements » auxquels on le voit participer sont des fêtes, comme aux noces de Cana (Jn 2-12). Mais cela ne veut pas dire que Jésus n’ait jamais joué, notamment lorsuq’il était enfant ! D’ailleurs, il n’est pas étonnant que les évangélistes n’aient pas cherché d’abord à rapporter les moments de divertissement de Jésus, mais plutôt son enseignement et sa mission. Jésus ne condamne à aucun moment le fait de jouer ou de s’amuser en tant que tel. Plusieurs fois dans les évangiles, Jésus met en valeur les enfants et nous invite à redevenir comme eux… (Mc 10, 13-16) Or, les enfants jouent !
Quoi qu’il en soit, ce qui nous est dit du ciel dans la Bible semble montrer que nous n’aurons ni envie ni besoin de nous divertir parce que nous connaîtrons enfin le bonheur pour lequel nous sommes faits et que nous serons libérés de nos souffrances et de tout ce qui peut nous pousser à nous détourner de cette vie.