Recevez l’Esprit-Saint (Jn 20,22)

En novembre 1831, le jeune Nicolas Motovilov âgé de seulement 22 ans se présente au monastère de Sarov, en Russie. Il est convoqué à un entretien par le père Séraphim, ermite dans une forêt à quelques kilomètres du monastère. Motovilov vient chercher conseil auprès du staretz déjà considéré comme saint au sujet d’une question qu’il considère existentielle : « quel est le but de la vie chrétienne ? »

– L’acquisition de l’Esprit-Saint, lui répond le saint.

seraphim_motovilov_1Nombre de chrétiens auraient sûrement répondu à cette question : « aller au ciel » ou « sauver son âme » ou encore « bâtir le Royaume des Cieux ». Et tout cela et vrai aussi. Avouons que la réponse du moine est quelque peu surprenante. Dans toutes nos réponses, nous avions en vue la vie éternelle, quelque chose qui a rapport avec l’au-delà. L’acquisition de l’Esprit-Saint semble être un objectif seulement pour cette terre, puisque nous vivrons pleinement de Dieu à la Résurrection, et la vie chrétienne ne peut avoir comme terme cette terre seulement. Alors, saint Séraphim aurait-il mal compris la question ? Ne parle-t-il que du but de la vie chrétienne terrestre ? Non, le saint comprenait très bien ce qu’entendait le jeune homme par « vie chrétienne ». L’histoire raconte même qu’il avait lu sa question dans son âme avant que celui-ci ne puisse la poser. Il savait que « la vie éternelle est déjà commencée ».

Que signifie acquérir l’Esprit-Saint ? Il ne s’agit pas de s’emparer de quelque chose ou plutôt de quelqu’un. Non l’acquisition ça veut dire la possession. Plus précisément, c’est être possédé par l’Esprit-Saint. Possédé non pas au sens d’esclave mais au sens d’habité. La présence de l’Esprit devient réelle, elle l’est déjà pour tout chrétien confirmé, mais cette présence est habitée. C’est une présence attentive, c’est l’attention du cœur aux mouvements et aux inspirations de cette Personne Divine, Dieu envoyée par Dieu le Père et qui nous fait avoir les mêmes sentiments que le Fils. C’est donc plus une quête qu’une conquête. C’est chercher à écouter Celui qui nous fait communier aux mêmes sentiments que le Christ et à la volonté du Père. En fait, acquérir l’Esprit-Saint ce n’est autre chose que suivre ce conseil de Saint Paul « laisser jaillir l’Esprit » (Rm12, 11), c’est-à-dire laisser de la place dans notre action à ce « conseiller merveilleux » (Is 9, 5) qui « intercède pour nous en des gémissements ineffables » (Rm 8, 26) et petit à petit apprendre à « marcher sous la conduite de l’Esprit » (Ga 5, 25).

Acquérir l’Esprit-Saint, c’est donc vivre  de la vie de l’Esprit, parce que c’est la vie même de Dieu, la vie Trinitaire, et que c’est la vocation de l’homme de vivre, non plus d’une vie humaine vouée à la mort, mais de la vie divine qui est en elle-même la vie éternelle, la Vraie Vie. Voilà le projet de Dieu pour l’homme : partager sa vie divine. Or comment peut-on recevoir, acquérir cette vie divine ? Comment entre-t-elle en nous ? Comment vient-elle se substituer à notre vie humaine ? Par l’Esprit-Saint. En effet, « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Rm 8, 11). Recevoir l’Esprit-Saint c’est recevoir la vie éternelle. C’est pour cela que Saint Séraphim y voyait le but de la vie chrétienne.Esprit Saint

Et de même que la grâce ne détruit pas la nature mais la perfectionne, la vie dans l’Esprit n’est pas réservée à l’au-delà, elle est déjà commencée : « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17, 21). Elle vient se greffer sur notre vie humaine et la transforme, la perfectionne et la rend conforme à la vie même de Dieu. L’Esprit-Saint façonne en nous l’image du Fils, « premier ressuscité d’entre les morts » (1 Co 15, 20) pour que nous aussi nous parvenions là où il est parvenu en suivant le même chemin que lui.

Il ne faut donc pas voir l’acquisition de l’Esprit-Saint comme un une étape qui se produirait à un instant t de notre vie, mais plutôt comme un long chemin de formation avec le Maitre intérieurs. C’est Lui qui peu à peu nous révèle qui est Dieu. Il est le secret le plus intime de Dieu, l’amour du Père et du Fils. C’est Lui qui nous fait croire à la divinité du Christ ; il est présent dans toute la vie humaine de Jésus : à l’Annonciation, lors de son Baptême, au désert, à la Transfiguration, et à la Résurrection qui est l’œuvre de l’Esprit. Il inspire, conduit, rectifie et « fortifie l’homme intérieur » (Ep 3, 16). Il soutient la vie morale par ses dons et donne le goût de la vertu. Sans Lui, la vie morale n’est qu’un moralisme sans élan, la prière n’est qu’un rituel sans âme. C’est Lui qui fait porter du fruit en unissant au Christ comme le sarment à la vigne. C’est Lui distribue à chacun ses dons pour l’édification de l’Église, Temple de l’Esprit, et qui assure son unité. C’est Lui enfin qui agit, sanctifie et unit au Christ dans les sacrements.

Demandons donc instamment au Seigneur de nous apprendre à recevoir son Esprit afin qu’Il nous communique sa vie divine et nous conduise à réaliser les œuvres de Dieu en vue de l’édification du Royaume de Dieu.

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